Dans la région du Akkar au nord du Liban, Hicham, botaniste, recense les plantes. Au coucher du soleil, il plante sa tente dans les collines rocheuses, loin des tumultes de la ville. Recenser la diversité de la flore et la préserver constitue pour lui une urgence, mais qui n'est pas de tout repos. Il raconte les déboires de son quotidien, entre ultra surveillance, délations, interdictions et épuisement de ne pas être pris au sérieux. Quand Hicham dévoile son herbier, c’est l’histoire d’un pays en crise qui résonne.

"En 2006, après des bombardements israéliens, des centaines d’herbiers qui appartenaient à des botanistes du XIX^e siècle ont été détruits." Zoé Filloux filme Hicham crapahuter dans la pierraille et se raconter. L’image bouge, les pentes sont raides, les anecdotes sont nombreuses : le jour où un berger l’a dénoncé auprès des services secrets, quand il a été suspendu des Nations unies, interdit de camper dans la vallée ou ailleurs. Hicham n’a pas peur, ni de ses supérieurs, ni du pouvoir. Il continue ses recherches, seul, déterminé, alors que chaque jour la sécheresse et les feux menacent la flore de disparaître. Nous sommes en octobre 2019 et à quelques dizaines de kilomètres de là, à Beyrouth, c’est le peuple qui s’embrase et la révolution qui jaillit du bitume, contre de nouvelles taxes, contre la corruption du gouvernement, comme une plante s’extirpe des roches de la Vallée de l’Enfer pour survivre.

(Mélanie Simon-Franza)

Prix du public (doté par le CNC), "Première Fenêtre", Cinéma du Réel 2021.