Dans les vallées pyrénéennes d’Ossau et d’Aspe, les autochtones ont l’habitude d’être photographiés et filmés comme spécimens authentiques d’une espèce en voie de disparition. Sandra Kogut leur propose de parler d’eux autrement, en racontant l’histoire quasi mythique de Pierre le berger, qui disparut un beau jour, et de Claire, qui passa le reste de sa vie à l’attendre. La fiction se développe ainsi au cœur du documentaire.

Parti d’une démarche documentaire à la rencontre des habitants de ces hautes vallées, le film développe peu à peu un deuxième niveau, fictionnel, tourné en super 8, qui met en scène l’histoire de Pierre et de Claire reconstituée à partir des récits des anciens du village. Pierre perdit au jeu son troupeau de brebis. Il quitta le village. Claire, sa promise, le chercha pendant sept ans dans la montagne. Sur cette trame, les villageois s’accordent tous, mais chacun apporte sa touche singulière à ce récit polyphonique narré dans la boucherie, sur la place et sur les chemins. Pierre était-il soûl le soir du pari ? Est-il allé jusqu’au Brésil ? Avait-il fait un enfant à Claire ? Comment survécut-elle sept ans seule dans la montagne ? Autant de questions qui enflamment l’imagination des hommes et des femmes car le roman de Pierre et Claire est celui de leur propre vie. Et c’est ce roman que le documentaire fait revivre dans un dispositif largement ouvert sur l’imaginaire collectif.

(Eva Ségal)