Un habile montage d'interviews d'aujourd'hui et d'images d'archives en noir et blanc retrace le parcours de Matteo Salvatore (1925-2005), cantastorie, chanteur d'histoires d'amour, de travail et d'émigration. Apparu au milieu des années 1960, ce poète, méconnu en tant que tel, représente la tradition populaire du chant napolitain. Il joue de la guitare et chante "tout le Sud du monde, sa sueur et son suaire".

Des anciens de son village natal des Pouilles aux intellectuels d'aujourd'hui, en passant par les jeunes citadins des années 1970, tous reconnaissent son talent, bien que ce grand poète naïf et populaire ait été parfois mal employé par le monde du spectacle qui en fit un chanteur à succès. C'est le cinéaste Giuseppe Desantis, pour qui il n'était alors qu'un barracato, un sans-abri, qui lui offrit son premier magnétophone afin de recueillir la tradition des chants du sud de l'Italie. Mais Matteo Salvatore s'inspire surtout de ce qu'il a lui-même vécu : la faim, la misère, le choc de la rencontre avec la ville, le chômage, "cette autre histoire triste, douloureuse et amère". Tel Homère, le cantastorie est un prophète, il est lié à ses racines et à son peuple.

(Marie-Christine Balcon)