Après le triomphe des Lumières de la ville (1932), Charlie Chaplin voyage à travers le monde, en particulier en Asie, avec son frère Sydney. Il est marqué par son passage sur l’île de Bali, alors colonie hollandaise. Le film retrace ce périple à travers des images d’archives, souvent filmées par Chaplin lui-même, et des textes lus, extraits de son article A comedian sees the world, de son autobiographie et des notes de voyage de Sydney Chaplin.

Dès sa rencontre avec Gandhi à Londres et son passage en Egypte et à Ceylan, où il est témoin du traitement destiné aux natifs, le cinéaste se forge une idée du colonialisme comme intimement lié au capitalisme. A Bali, il remarque les voitures abandonnées dans les jardins car l’essence pour une journée coûte le prix d’un mois de salaire. Mais au-delà de cette prise de conscience, Chaplin est fasciné par l’île et ses habitants. Guidé par le peintre Walter Spies, le cinéaste filme de nombreux spectacles de danses balinaises : ces pantomimes le touchent particulièrement au moment où le cinéma est devenu parlant et qu’il se refuse à faire parler Charlot. L’île lui inspire le scénario d’une satire anticolonialiste qu’il ne tournera pas et trouve des échos dans Les Temps modernes (1936), qui dénonce la mécanisation du travail et dont la danse finale emprunte certains mouvements aux danseuses balinaises. Son autobiographie (publiée en 1964) révèle l’importance durable sur Chaplin de cette parenthèse loin des valeurs occidentales.

(Martin Drouot)