Quatrième film du comédien Roschdy Zem en tant que réalisateur, Chocolat s’inspire de l’histoire vraie de Rafael Padilla (incarné par Omar Sy), premier artiste noir de la scène française. En 1897, il se produit sous le nom de Kananga pour le cirque Delvaux avant de devenir Chocolat en formant un duo avec le clown George Foottit (ici James Thierrée). Ensemble, ils connaitront un succès retentissant, mais Chocolat n’offre-il pas là encore une image de Noir propre à rassurer les spectateurs blancs ?

A n’en pas douter, le film de Roschdy Zem raconte notre époque : Chocolat a des problèmes de papier et cherche à être reconnu autrement que dans des rôles de Noir stéréotypés. C’est d’ailleurs une publicité qui le représente avec un visage de singe qui le réveille de son acceptation passive. Au-delà de la dénonciation du racisme, le film soigne les numéros du duo qu’il forme avec Foottit : secrètement amoureux de lui, le clown blanc sort Rafael du rôle du sauvage qui fait peur mais le conforte dans une autre image dégradante, celle du serviteur qui se fait battre. Chocolat joue sa libération sur scène, d’abord en inversant les clichés – il donne un coup de pied à Foottit, qui reste seul, sonné, sous les applaudissements – puis en incarnant Othello, rôle jusqu’ici confié à des Blancs grimés. La tirade du Maure de Venise résonne alors autant comme la profession de foi du personnage que comme l’art poétique de Zem : "Me dépeindre tel que je suis, sans rien atténuer, mais sans haine non plus."

(Martin Drouot)