Écrivain précoce né en 1935, Ehni fuit son Alsace natale pour se faire un nom à Paris, dans le théâtre et le roman. En pleine gloire, le dandy beatnik se retire en 1975 dans la campagne alsacienne puis, ruiné, en Crète où il se convertit à l’orthodoxie. Un portrait intime de l’écrivain à barbe blanche, que l’on retrouve dans sa maison de Plaka, et où il est autant question de sagesse, art de vivre et de mourir, que de littérature.

Ce portrait ne se contente pas de retracer un parcours artistique fécond depuis La Gloire du vaurien (1964), premier roman inspiré par sa révolte de jeune conscrit en Algérie, il fait entrer dans l’intimité de ce vieux colosse blagueur, bon vivant et grande gueule, dont l’écriture est, depuis plus de vingt-cinq ans, animée par une foi profonde ("J’écris à la lumière de cierges épouvantables"). Filmé dans les petits cafés-épiceries familiers ou lors de la procession de Pâques, Ehni s’explique sur les valeurs spirituelles qui l’attachent en Crète. Il y vit pauvre mais en bonne compagnie, avec sa femme, ses deux enfants adolescents, et, pour voisins, ces fiers paysans grecs qu’il admire. Infatigable travailleur, adepte de la lecture à voix haute, Ehni veut que "l’écriture ait du mythe, du ton, de la voix, du souffle". "Ce que ça raconte, ajoute-t-il, c’est accessoire." D’ailleurs, il lui arrive souvent de désavouer ce qu’il a lui-même écrit.

(Eva Segal)