Qu’il pleuve sur la forêt ardennaise ou qu’il fasse soleil sur la place ducale de Charleville, Franz Bartelt écrit ses cinq pages quotidiennes. Refusant de se prendre pour un artiste, il écrit depuis l’âge de 13 ans des textes en tout genre qui composent un gigantesque "manuscrit". Cette abondance lui permet de ne publier que le meilleur. À 56 ans, récompensé par de nombreux succès, il se définit comme un "conformiste" qui "aime les cons".

Filmé dans sa maison de Nouzonville, Franz Bartelt expose sa méthode : de longues heures devant son ordinateur et des promenades en forêt, où son plus grand plaisir consiste à se perdre pour mieux se retrouver. "Dans l’écriture aussi, on finit toujours par retomber sur ses pieds." Voisins et amis lui ont inspiré les personnages de ses romans, nouvelles, polars ou pièces radiophoniques. Le sculpteur sur bois Michel Gillet se retrouve dans Les Fiancés du paradis (éd. Gallimard) croqué en "homme à femmes, homme à chopines, gueulard". L’intéressé sourit de ce portrait inattendu. En compagnie du peintre Simon Cocu, Bartelt évoque l’industrie métallurgique qui a façonné les hommes des Ardennes plus durement encore que les guerres. Un autre voisin a voué son œuvre au fer, le sculpteur Jean Morette dont les monuments publics s’exposent délibérément à la rouille. De ces aînés, modestes "travailleurs de l’art", Bartelt retient une leçon de ténacité autant que d’indépendance.

(Eva Ségal)