Brutalement confrontés à la logique du retour au pays, exilés de force par des pères qui craignent de les voir "mal tourner", ces jeunes arrachés à la France qui les a vus grandir témoignent du goût amer de la trahison et du mensonge. Certains d’entre eux, malgré les passeports déchirés, les cartes de résidences confisquées, parviennent à revenir en France ; d’autres, moins chanceux, vivent de véritables drames.

"Ils" diabolisent la France et pourtant continuent d’y travailler. "Ils" renvoient femmes et enfants au bled et pourtant, eux, restent en France... Prisonniers des contradictions de leurs pères, ces jeunes gens - six trentenaires témoignent, cinq hommes et une femme - se retrouvent contraints, du jour au lendemain, d'abandonner leurs repères, leurs amis, la vie "ici". D’autant que ce qui les attend en Algérie est bien différent de l’accueil qu’on leur réservait quand ils venaient enfants en vacances, les bras chargés de cadeaux. Tout est à refaire, tout est à reconstruire. Souvent confrontés au problème de la langue et à l’absence de perspectives professionnelles, mais également mal vus parce que fils d’immigrés, ces jeunes doivent faire le deuil de leur double culture pour se voir accepter. Malgré tous les efforts consentis, ils continuent d’incarner, pour les Algériens, des perdants, ceux qui ont eu la chance de vivre en France et n’ont pas su la conserver.

(Sadia Saïghi)