Dans le huis clos d’une chambre, les trois âges de la vie – un vieil homme (Venaille lui-même), un adulte et un enfant – cohabitent avec une bruiteuse, un violoncelliste et un cheval, une foultitude d’objets, des matériaux divers. Au fil du poème de Franck Venaille La Descente de l’Escaut, chacun poursuit sa trajectoire immobile, énigmatique et solitaire, faite de paroles, de sons, d’actions et de gestes.

Marqué par un séjour qu’il fit en Belgique lorsqu’il était enfant, Franck Venaille (né à Paris en 1936), poète, journaliste et producteur pour France Culture, s’est inventé une naissance et des racines flamandes. Aussi, avant de devenir poème, sa descente de l’Escaut fut une sorte de voyage initiatique, une marche de près de 500 kilomètres le long du fleuve, des collines de l’Artois à la mer du Nord : "Je marchai pour me connaître (...) pour me fuir. Empêtré de moi-même." Sans jamais montrer le contexte de ce périple, sinon par des photos des rives de l’Escaut réalisées par le poète lui-même, ou des photos de lui à l’époque, le film, où règne un climat de fiction, propose une traduction visuelle et sonore, quoique non linéaire du poème. Dans le même mouvement, il en documente la fabrique – ce long cheminement qui va de l’expérience vécue à l’écriture – et il révèle aussi sa propre genèse, celle de Je me suis mis en marche comme déploiement, affluent filmique de l’œuvre littéraire.  

(Myriam Bloedé)