Décédée au lendemain du tournage à 70 ans, la comédienne allemande Miriam Goldschmidt a joué en 2013 sous la direction de Peter Brook son dernier spectacle, The Lost Ones. Outre qu'il constitue un des rares films donnant à voir des répétitions de Brook, Miriam Goldschmidt, créatrice entre deux rives dessine le portrait d'une artiste à la vie tragiquement marquée par la perte. Une femme puissante, qui affronte son affaiblissement et se sent "curieuse de l'autre côté".

Elle a joué dans des pièces montées par Luc Bondy, Matthias Langhoff, Peter Stein ou encore Peter Zadek. Elle a consacré sa vie à l'art, jouant, écrivant, créant. Suivant les répétitions de Miriam Goldschmidt pour ses deux derniers spectacles, le film témoigne d'une existence intense, ainsi que de la manière dont les principes de Brook l'ont infusée. Avec des images d'archives et d'autres captées au jour le jour, l'œuvre se fait autant récit biographique que journal quotidien de la comédienne, metteuse en scène de sa propre vie, de ses sentiments et de ses doutes. Consciente de son déclin physique et psychique, l'actrice animée d'une force rare se livre sans tabous. Celle pour qui jouer, c'est vivre, et qui considère le théâtre comme "incarner ce qui est perdu", balance sans cesse entre mélancolie infinie et rires, vie et mort, réalité et fiction. Si "le théâtre est son conjoint" comme le déclare son fils, Lou Bihler, il relève sans aucun doute pour elle d'une affaire de famille. Mais il est, surtout, le lieu où s'énonce dans la tragédie comme dans la comédie l'abîme de tristesse qui traversa cette femme.

(Caroline Châtelet)

Prix Art & Caméra (sur projet, doté par Images de la culture), Festival de l'Histoire de l'art, Fontainebleau 2014.