Alexandre Barry met en scène Liv Ullmann et Erland Josephson, les acteurs de Scènes de la vie conjugale (1973) d’Ingmar Bergman, dans un double dispositif filmé en noir et blanc. Face à face, ils se racontent et racontent leur indéfectible amitié en d’émouvantes confessions ; chacun leur tour face à la caméra, ils complètent ce portrait réciproque, admiratifs et fiers d’avoir su construire et préserver une relation unique.

"Pourquoi n’es-tu jamais tombé amoureux de moi ?" demande Liv Ullmann à Erland Josephson. Ce "sentiment très vaste" que chacun dit nourrir pour l’autre excède de beaucoup, en effet, la simple histoire de nombreux couples de cinéma. Le dispositif mis en place par Alexandre Barry, ce face-à-face a priori un peu emprunté, rend bien compte au contraire de leur complémentarité. Au fur et à mesure de leurs collaborations et de leurs éloignements, chacun a proposé à l’autre son reflet. Sous ce point de vue ils retracent leurs carrières riches et longues, fuyant la chronologie pour s’attarder réciproquement sur leur apport et leurs qualités en tant qu’acteurs ou metteurs en scène. L’ode à l’amitié se double ainsi d’une élégie de la vieillesse, chacun y démontrant une vitalité intacte. Au-dessus d’eux plane néanmoins l’ombre d'Ingmar Bergman, réfugié dans le mutisme : son absence, soulignée ici par celle de tout extrait, impose à leur relation comme à ce film sa marque discrète.

(Mathieu Capel)