Portrait réalisé quelques mois avant la mort de la conteuse, metteuse en scène et écrivaine Mimi Barthélémy (1939-2013), infatigable chantre de la culture de son "petit bout de pays", Haïti. Chez elle à Paris ou de retour sur les lieux de son enfance, dans un pays fortement marqué par le séisme de 2010, elle explique l'importance et la vitalité du conte, porteur tout à la fois de l'identité d'une société et d'une dimension universelle.

"Toute ma vie, j'ai été en quête de l'harmonie de tous mes apports : européens, africains, caribéens, haïtiens." Une quête qui fut particulièrement ardue pour cette jeune fille issue de la bourgeoisie de Port-au-Prince : un départ en France au sortir de l'adolescence, qu'elle considère quasiment comme un "suicide" culturel ; un mariage avec un diplomate, durant lequel elle sillonna le monde mais se sentit toujours "femme de" ; une aphonie qui dura des années, conséquence selon elle de ces années d'acculturation. C'est après une expérience théâtrale au Honduras qu'elle déclare sa "guerre d'indépendance" : divorce, travail de reconquête de sa voix et plongeon dans le vivier des contes traditionnels de son pays, à travers lesquels elle va mettre en lumière l'énergie et la vitalité du peuple haïtien. Devant la caméra de Roland Moreau, Mimi semble désormais réconciliée : en affirmant par son travail l'identité de la culture haïtienne, elle est aussi parvenue à affirmer la sienne.

(Damien Travade)