Six ans après Rain, Olivia Rochette et Gerard-Jan Claes retrouvent Anne Teresa de Keersmaeker pour les répétitions de Mitten wir im Leben sind, qu’elle crée avec le violoncelliste Jean-Guihen Queyras pour trois danseurs et deux danseuses - dont elle-même - à partir des six suites pour violoncelle de Bach. Sur le plateau de la compagnie Rosas à Bruxelles, puis à la Machinenhalle Zweckel de Gladbeck en Allemagne, les réalisateurs recueillent dans une belle et rigoureuse économie de mouvements la relation particulière qui s’établit au fil du travail entre la danse, la musique et la partition.

Mitten alterne les moments d’analyse des partitions avec le violoncelliste à la table et les phases de recherche où la chorégraphe reprend et affine gestes et déplacements avec ses interprètes, en respectant le tracé au sol d’un schéma complexe et coloré, équivalent géométrique des règles de composition. Tout le film témoigne du soin avec lequel Anne Teresa De Keersmaeker s’applique à suivre et à réinventer les règles à partir desquelles Bach a composé, non sans se confronter parfois à des questions de rythme et d’intensité. Sur l’espace du plateau que partagent les danseurs et le musicien, la nouvelle partition que la chorégraphe élabore devant la caméra à partir des mouvements si caractéristiques de son vocabulaire (élévations, chutes, jeux autour de l'immobilité, sauts et tours en spirale) ne se donnera jamais à voir comme un simple dialogue entre les deux arts. Car De Keersmaeker ne cherche pas tant à illustrer ce que déploie chaque mesure qu’à incarner la traduction la plus précise du secret qui préside à l'écriture musicale.

(Damien Truchot)