Lauréat du prix Goncourt en 1990 pour son premier roman, Les Champs d’honneur, Jean Rouaud (né en 1952) accède à la reconnaissance dès son entrée en littérature. Organisée en courts chapitres thématiques et guidée par l’écrivain lui-même, cette incursion dans son "laboratoire poétique" éclaire son cheminement depuis l’enfance et la construction d’un imaginaire où l’image, précisément, joue un rôle prépondérant.

Si la littérature est bien sûr l’une des sources de Jean Rouaud – qui cite ici les poètes japonais, "ces petites saisies de réel que l’on trouve dans les haïkus", les romanciers du XIX^e et Flaubert surtout, – c’est auprès des peintres flamands qu’au terme de sa formation, il apprendra à "faire entrer le réel dans le texte". Ou auprès d’Holbein le Jeune, dont il commente longuement cette œuvre "charnière" qu’est Le Christ au tombeau (1521), "pleinement Dieu et pleinement homme". Mais le noyau de son imaginaire, qui le fonde et l’alimente jusqu’à aujourd’hui, tient dans cet "art un peu misérable" qui fut le décor exclusif dans lequel il a grandi : un crucifix dans chaque pièce, des statuettes de saints en plâtre, des reproductions de scènes religieuses collées sur des supports en bois. Chargée de spiritualité et de poésie, cette imagerie chrétienne témoigne aussi d’une "terrifiante" aliénation dont Rouaud écrivain va s’affranchir en l’explorant de l’intérieur, comme "un ethnologue".

(Myriam Bloedé)