Second film de Teddy Lussi-Modeste après Jimmy Rivière (2011), sur le déchirement d’un jeune homme qui devait trahir sa communauté, Le Prix du succès raconte le dilemme d’un comédien de stand-up d’origine maghrébine. Brahim (Tahar Rahim) suivra-t-il le chemin montré par sa compagne et metteuse en scène, Linda (Maïwenn), ou restera-t-il fidèle à sa famille et en particulier à son encombrant frère manager, Mourad (Roschdy Zem) ?

Dès la première scène, des fans prennent des selfies avec Brahim et lui reprochent de ne pas être conforme à ce qu’il a été, un garçon de banlieue, comme eux. Du making of en cours de montage sur sa fulgurante ascension à son visage placardé sur les bus de la ville, tout le récit réfléchit la question de l’image donnée, au sens propre comme au figuré. Car ce qui intéresse le réalisateur est ici moins de montrer un comique sur scène que ce qu’il représente socialement. Ainsi ce ne sont pas les spectacles qui sont filmés, mais toujours les à-côtés : Mourad délaissé en coulisses quand Brahim appelle Linda sur scène, les rendez-vous avec un séduisant imprésario, ou Brahim, anxieux, qui teste son micro face à une salle encore vide. Les couleurs, flamboyantes, sont dignes d’un mélodrame américain des années 1950 : le rouge, le bleu, le doré semblent griser Brahim autant que l’aveugler. Il faudra attendre le gris d’une prison pour qu’enfin le regard ému de Brahim prenne la mesure de la distance qui le sépare de son frère, si loin si proche.

(Martin Drouot)