Huitième long métrage du réalisateur tchadien Mahamet-Saleh Haroun, Une Saison en France raconte l’histoire d’Abbas (Eriq Ebouaney) qui a fui la Centrafrique en guerre avec ses deux enfants, sa femme ayant été tuée au cours de leur fuite. En France, il espère obtenir un statut de réfugié, développe une relation avec la douce Carole (Sandrine Bonnaire) et vit de petits boulots. Mais sa demande de droit d’asile ne tarde pas à être rejetée.

L’histoire d’Abbas a commencé avant le film et continuera après, mais nous ne la suivons que le temps d’une saison, comme l’annonce le titre. Rompant avec la linéarité apparente du récit, Haroun s’attarde sur le destin de cet ami d'Abbas, professeur de philo obligé de travailler comme vigile, ou sur une foule de demandeurs d’asile qui se presse contre une vitre en attente de la décision qui changera leur vie. En plans séquences, le réalisateur scrute le malaise qui s’immisce peu à peu, notamment lors de l’anniversaire de Carole : l’illusion d’une famille reconstituée ne mène pas au conflit psychologique attendu – les enfants acceptent cette nouvelle mère – mais c’est d’une lettre qu’Abbas conserve dans sa poche sans l’ouvrir, donc du conflit politique, que naît l’inquiétude. Si le film est précisément documenté, le réel se charge d’onirisme. Les apparitions de la femme morte d’Abbas annoncent la recherche finale de Carole sur le site de Calais rasé : condamnés à errer, les migrants ne sont plus que des spectres.

(Martin Drouot)