L’Avventura, La Nuit, L’Éclipse, Le Désert rouge... sorti du néoréalisme, Michelangelo Antonioni invente un cinéma moderne, empreint de silence et de mystère, symptôme des mutations profondes de l’Italie des années 1960. Tutto bianco revisite cette filmographie à travers ses lieux de tournage (la plaine du Pô, l’île de Panarea, Messine, Rome) et la parole de quelques témoins privilégiés.

Antonioni a toujours "filmé au présent". En traversant les paysages qui servirent de décor à ses films, en allant à la rencontre de gens de cinéma (Christine Boisson, Fanny Ardant, Dominique Païni), mais aussi de témoins anonymes et de figurants qui incarnent l’Italie quotidienne, Tutto bianco renverse la perspective sur une œuvre que l’on peut juger abstraite, voire intellectuelle, en l’inscrivant dans la culture populaire et l’histoire. Certes, le maître reste impénétrable dans ses choix artistiques (peindre une forêt en blanc dans Le Désert rouge, faire disparaître soudainement un personnage dans L’Avventura), mais l’histoire qu’il raconte est celle d’une Italie qui bascule dans la modernité industrielle avec un mélange de frivolité et d’inquiétude. Ainsi les souvenirs d’enfance d’une femme ayant grandi sur la rive du Pô résonnent-ils avec les errances de Monica Vitti parmi les usines. Ainsi L’Avventura, en dépit d’un scénario difficile, fut-il adapté en roman-photo.  

(Sylvain Maestraggi)