À Zinder, au cœur du Sahel nigérien, les routes et les maisons sont faites de terre et de tôle. Pourtant, dans le quartier de Kara-Kara, celui des pauvres et des parias, il y a des “palais” : c’est ainsi qu’on appelle les gangs où se retrouvent les jeunes privés de meilleures perspectives. 

Originaire de Zinder, la réalisatrice Aicha Macky parvient à filmer les quartiers les plus pauvres et leurs habitant.es en évitant toujours les écueils du misérabilisme ou du jugement moral. Le film donne la parole à celles et ceux qu’on n’entend jamais : ici, un ancien chef de “palais” raconte les viols en réunion qu’il organisait jadis, là, une contrebandière nous emmène à la frontière nigériane, dans un cache-cache avec les douanes pour acheminer jusqu’à chez elle sa cargaison d’essence... Dans ces quartiers, les hommes aux corps marqués par la violence quotidienne s’entrainent, se musclent et s’endurcissent. Certains jeunes rêvent d’émancipation : bientôt pères, ils aspirent à mieux qu’aux guerres de gang. Mais à Zinder rares sont les mains tendues vers ces jeunes désœuvrés : beaucoup s’inquiètent d’être des proies faciles pour Boko Haram, là où d’autres admettent attendre leur arrivée, dans l’espoir d’une vie plus digne. Aicha Macky dédie son film à la jeunesse nigérienne : c’est bien celle qu’elle donne à voir, à travers ses souffrances et ses ambitions.

(Noé Vidal-Giraud)

Compétition internationale, Visions du Réel, Nyon, 2021.