À une époque où un enfant peut être condamné à douze ans de bagne pour complicité de vol d’ananas, Jacques Prévert se révolte en écrivant L’Île des enfants perdus pour Marcel Carné en 1935. Suite à des "intempéries" aussi diverses que le climat, la censure et le manque d’argent, le tournage du film est arrêté en 1947 et les quelques rushes disparaissent. Le documentaire retrace ce naufrage.

Que sont devenues les images de Serge Reggiani dont le regard affronte l’horizon ? Et celles de Martine Carol dansant en short sur un yacht ? Comme toute disparition, celle des rushes de L’Île des enfants perdus (devenu entre-temps La Fleur de l’âge) est mystérieuse. C’est donc sous la forme d’une enquête que se construit Carnet de naufrage. L’une des deux réalisatrices n’hésite d’ailleurs pas à se mettre en scène, endossant le rôle du détective : dans une cabine téléphonique, au moment même où le crépuscule assombrit le ciel, elle appelle le dernier témoin des rushes disparus. Avant cela, elle avait déjà rendu visite tant aux derniers acteurs vivants du film, Jacques Fonson et Pierre Trabaud, qu’aux insulaires de Belle-Île. Le tournage de La Fleur de l’âge a marqué leur vie à tous. Livrant brouillons, maquettes d’Alexandre Trauner et dessins de Mayo, lectures de certaines scènes par des comédiens d’aujourd’hui, Carnet de naufrage tente de reconstituer le film perdu.

(Teddy Lussi)