Tourné de 1998 à 2001, Célébration assiste aux dernières années de création d'Yves Saint-Laurent, le couturier mettant fin à sa carrière en 2002 et la maison de couture faisant place à une fondation. Au milieu des fêtes, hommages et célébrations orchestrés par Pierre Bergé dans cette période charnière, Olivier Meyrou saisit un monde finissant, avec un créateur muré dans son univers et visiblement malade - il meurt d'un cancer du cerveau en 2008. Choqué par cette image de déchéance renvoyée par le film alors qu'il est en train de transformer l'icône en mythe, Pierre Bergé en interdira la sortie jusqu'à peu de temps avant sa mort en 2017, estimant finalement que ces images peuvent contribuer à l'élaboration d'une légende.

Dernière des maisons de haute couture à avoir à sa tête le fondateur et dirigeant dont elle porte le nom, la maison Yves Saint-Laurent représente un modèle révolu. D'ailleurs, le film commence par sa fin avec la visite du fameux hôtel particulier de l'avenue Marceau entièrement vide, par deux ouvrières qui se remémorent joyeusement l'emplacement des postes de travail. Comme pour entériner cette future disparition, Olivier Meyrou oppose la couleur de la majorité des séquences du film au noir et blanc des plans du Maître à sa table de travail. Le cinéaste déroule ainsi les moments d'une gloire à son apogée : le même hôtel particulier mais plein et agité comme une ruche, les ateliers, les essayages, les célébrités, les interviews, les défilés, les expositions, les discours... Pierre Bergé est de tous les plans, en véritable chef d'orchestre ou en embuscade dans l'entrebâillement d'une porte, soucieux que tout se passe bien quand YSL daigne descendre parmi les mortels. A une journaliste, il confesse son admiration éternelle pour "ce somnambule" qu'il surveille "afin qu'il puisse marcher sur les toits sans tomber".

(Joffrey Speno)