Alors que la fin du ramadan approche, Yasmine rejoint sa famille. Dans l'appartement familial où chacun s'est isolé de l'autre, elle reçoit de plein fouet les tensions qui minent le quotidien de ses proches. Tiraillée entre la culpabilité d’être partie, la nécessité de resserrer les liens et le désir de révéler sa relation avec une femme, Yasmine prend soin d’écouter sa sœur, son père puis sa mère se confier.

Avec Fille du péché, Elhachmia Didi-Alaoui, cinéaste autodidacte, ausculte les blessures intimes d’une famille franco-algérienne où l’incompréhension s’est installée. De retour au cœur d'un foyer abîmé, Yasmine se demande si le moment ne serait pas venu d'évoquer sa relation avec N'Dé. Ne cessant de retenir les mots qui pourraient froisser davantage, elle découvre les traces des coups que son père porte à sa mère. Son homosexualité, la violence conjugale : lequel de ces deux sujets brûlants faudrait-il aborder frontalement en priorité ? Face à la difficulté d’y répondre, Yasmine s’échappe dans le sommeil, où tout ce qui ne parvient pas à se dire surgit inéluctablement sous la forme de cauchemars. Construisant avec subtilité son récit à partir de l’entrecroisement de fils narratifs ambigus où le rêve et la réalité deviennent étrangement indiscernables, Elhachmia Didi-Alaoui offre à ses personnages le temps nécessaire pour rejouer une série de confrontations dont la brutalité initiera paradoxalement des gestes de réconciliation d’une grâce infinie.

(Damien Truchot)