Des Habitats spécifiques. Logements individuels ou collectifs pour les personnes les plus démunies, foyers d'hébergement et de réinsertion, ateliers d'artistes, résidences universitaires, résidences pour personnes âgées, autant d'habitats spécifiques pour lesquels il est nécessaire de concevoir de nouveaux dispositifs spatiaux, favorisant de nouveaux usages. Architectes et usagers témoignent ici de cette prise de conscience. Dans la cité Abbé-Pierre de Boulogne-sur-Mer, l'architecte Raymond Gili a relogé les habitants dans des maisons individuelles à 3000 francs (580€) le mètre carré : des matériaux économiques, des surfaces minimales, mais de hauts volumes. Les ateliers d'artistes réalisés par Patrick Chavannes près de la porte de Bagnolet développent les mêmes principes : des pièces bénéficiant d'une triple hauteur courante permettent d'inclure l'atelier dans le dispositif d'habitation. Mais l'urgence sociale réside aujourd'hui dans l'habitat pour personnes âgées sans ressources. A la résidence Chênerie de Toulouse, il s'agit de favoriser les rapprochements de conjoints et de répondre aux problèmes de mobilité : des cloisons amovibles pour une meilleure distribution des espaces, un passage à la salle d'eau mieux maîtrisé, des terrasses et des jardins plus proches des chambres, pour que les personnes âgées puissent encore s'appropier la vie du dehors.

Le Confort au XXe siècle. Films publicitaires et photographies d'époque relatent les campagnes publiques d'avant-guerre en faveur de l'hygiène de l'habitat. Plus tard, celles-ci loueront les vertus des "arts ménagers", qui rationalisent les tâches quotidiennes. Aujourd'hui, le confort de l'habitat est associé à une optimisation de l'utilisation de l'espace et de la lumière, comme le rappellent architectes et usagers. Le mot anglais "confort", synonyme de "bien-être matériel", valorisé par l'invention de techniques (ascenseur, chauffe-eau, etc.), est introduit en France au moment où les pouvoirs publics mettent en place une politique hygiéniste de l'habitat. Eau courante dans les appartements, bains-douches dans l'habitat populaire, salle de bain remplaçant le cabinet de toilette : se laver devient nécessaire ! L'aération et la luminosité permettent d'éradiquer la tuberculose. Après-guerre, les équipements se modernisent (four, machine à laver, etc.) et la femme est promue "professionnelle" de la maison ! Aujourd'hui, les habitants revendiquent le droit à l'espace, au volume et à la clarté. Et les architectes dénoncent les normes drastiques de construction : la tyrannie des 2,50 mètres au maximum sous plafond, la surisolation des façades et la diminution des ouvertures vers l'extérieur, transformées en "planches à trous".

(Annick Spay)