Premier long métrage de Frédéric Farrucci, La Nuit venue orchestre la rencontre entre Jin, chauffeur de VTC, et Naomi, strip-teaseuse et call-girl, dans la nuit parisienne. Les rues vides de la ville, les trajets en boucle sur le périphérique, les néons omniprésents donnent au film l’aura d’un film noir. La mise en scène s’attarde en gros plans sur les acteurs Guang Huo et Camélia Jordana, alors que les ombres défilent sur leurs visages tel le destin qui guette inexorablement.

Le récit se déroule dans la communauté chinoise et débute, de façon classique, avec l’arrivée d’un "nouveau" que Jin doit former. Par ailleurs, on apprend vite que Jin envoie de l’argent à sa mère restée en Chine, qu'il a une dette avec son employeur mafieux et que cette dette sera sans fin. Pourtant, le travail de l’image et du son décale le point de vue réaliste en lui apportant une poésie certaine. Le rouge d’un bar, le jaune d’une laverie automatique ou le bleu d’une chambre imprègnent les corps et les visages : les couleurs primaires mettent en évidence l’irréalité même de personnages traités comme des archétypes. La call-girl triste et le chauffeur taciturne sont avant tout des masques que le récit dépouille peu à peu de leurs oripeaux. Les nappes vaporeuses du musicien Rone, qui apparaît dans une scène de concert, accompagnent l’onirisme aussi bien sur le plan narratif – Jin compose de la musique électronique – que sonore – l’étrangeté du Paris nocturne qui défile par le pare-brise. La Nuit venue devient dès lors un film atmosphérique.

(Martin Drouot)