Trois artistes de culture sénégalaise et un historien français interrogent les témoins et les traces du passé pour comprendre le massacre de Thiaroye : le premier décembre 1944, plusieurs dizaines de tirailleurs africains rendus à la vie civile sont tués par l'armée française au camp de Thiaroye pour avoir réclamé le paiement d'indemnités militaires qui leur étaient dues.

La reconnaissance de la France par François Hollande en 2012 d'une « répression sanglante », discutée par les protagonistes du documentaire qui préfèrent parler de « crime de masse » ou de « crime de guerre », n'a pas suffi à jeter toute la lumière sur les événements. « Nous avons besoin de vérité » clame pourtant Sidy Diop, le gardien du cimetière militaire de Thiaroye, comme tant d'autres voix interrogées ; aussi, le documentaire renoue-t-il avec l'activité étymologique de l'historien en proposant une enquête historique fouillée, à grand renfort d'entretiens et de documents d'archives, qui tente d'élucider les non-dits et les falsifications des sources officielles. Si des zones d'ombre persistent, le documentaire met un coup de projecteur sur un crime colonial connu des instances internationales mais pourtant peu publicisé. Thiaroye 44, symbole des autres crimes coloniaux étouffés, assume ainsi une fonction mémorielle portée par une écriture polyphonique - celle historique, mais aussi théâtrale, chorégraphique et musicale – qui vise à démultiplier les chances de faire éclater la vérité et à se débarrasser des vestiges de la colonisation.

(Théophane Séguy-Loubradou)