Sophie Bredier fait ressurgir l’histoire secrète du château de Bénouville (Calvados) qui, des années 1920 à 1980, a servi de maternité pour les "filles-mères" et lieu d'hébergement pour les pupilles de l’Assistance publique. Aujourd'hui, dans l’édifice somptueusement restauré, sages-femmes, mères y ayant accouché ou enfants y étant nés racontent leurs souvenirs du lieu, entre enfermement, protection, violence, sentiment d’abandon et espoir.

"J’ai franchi les grilles du château de Bénouville, j’avais 19 ans et j’étais enceinte de sept mois." Jusqu'à il y a encore peu et suivant le milieu social, les jeunes filles célibataires et enceintes étaient exposées à la vindicte populaire. Abandonnées par leurs familles, elles venaient là accoucher à l’abri des regards et contraintes pour la plupart d’abandonner leurs enfants. A travers les témoignages de ces femmes aujourd'hui âgées, ou d'hommes employés du château, Sophie Bredier s’attache à briser un silence bien gardé derrière le labyrinthe des portes, couloirs, escaliers et chapelle. Catherine, fille de fille-mère, qui "se sent comme issue d’un viol", Suzie, fille-mère et employée, considérée comme "une moins que rien" par la société, Rolland, menuisier, qui confectionnait les petits cercueils pour les enfants mort-nés avant d'aller les enterrer au fond du parc... Tandis que les langues se délient, des comptines d’antan hantent encore le château.

(Mélanie Simon-Franza)