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Résumé
Dans une tannerie artisanale, Inês Gil fait le portrait d’une petite communauté ouvrière. Lúcia, Carla, Julio, Joaquin et José témoignent d’un corps éprouvé par une vie de travail au contact des peaux autant que de leur fierté d’avoir été capable de l’endurer. Subtil tissage polyphonique, Curtir a pele raconte aussi les vies de celles et ceux qui ont choisi de rester dans cette région rurale du nord du Portugal et craignent de voir leur usine frappée par les répercussions de la crise économique de 2010.
Plans rapprochés sur les corps, les gestes, les cuirs, la caméra d’Inês Gil invite à une exploration sensible des peaux, vivantes ou tannées. De celle de Carla dont elle prend soin en faisant sa toilette à celle des veaux que ses collègues lavent, essorent, suspendent, teignent et font sécher. Avec des cadres d’une grande pureté et des lumières travaillées, la documentariste joue des textures douces - pelage de chat, poils de lapin, plumes de coq - pour mieux souligner la rudesse du travail à la tannerie. Ces odeurs suffocantes, ces produits toxiques, ces machines qui blessent, l’une des ouvrières les a fuis. A partir de cette absente, Inês Gil construit une narration chorale. Et si le souvenir de Patrícia, en faisant surgir mille anecdotes, documente un quotidien ouvrier, il ouvre aussi un espace pour des récits plus intimes. Notamment pour Lúcia et Carla, épouses et mères, qui elles n’iront pas en Suisse rejoindre un fiancé. Et de façon aussi inattendue que la délicatesse du cuir rime avec l’odeur du soufre, Curtir a pele révèle alors des capsules d’émotion rares.
(Céline Leclère)
Descriptif technique
- Production
- C.R.I.M. Produções
- Réalisation
- Inês Mendes Gil
- Année
- 2019
- Durée
- 76'
- Double disque
- non
- Couleur / N&B
- couleur
- Genre
- Documentaire
- Diffusion
-
- Prêt aux particuliers par l'intermédiaire des médiathèques : oui
- Projection publique : oui
- Diffusion en ligne : oui
Avis
Sélectionné par
Par l'entremise de Carla et Lucia, deux ouvrières d'une tannerie portugaise, le film explore plusieurs pistes. Il fait d'abord la description d'un métier dur et ingrat malgré sa mécanisation : chaleur, humidité, odeurs nauséabondes, équipement de protection sommaire. Est également dépeint un mode de vie prédominant dans les régions semi-rurales et s'éteignant aujourd'hui, alliant le travail à l'usine et la paysannerie (culture des oliveraies, élevage). Et par petites touches, le passé colonial du Portugal est évoqué au travers des souvenirs conjugaux, quelquefois amers, des deux femmes.
La mise en scène par son cadrage, sa lumière, sa photographie hyperréaliste, sa façon de filmer la matière, la peau (animale et humaine), son goût de la nature morte, repousse le documentaire aux frontières de la fiction. Ce parti-pris est relayé par le leitmotiv du personnage de Patricia, une troisième ouvrière qui a disparu mystérieusement et dont on doute de l'existence presque jusqu'à la fin du film . N'est-elle pas la métaphore de l'agonie de cette tannerie qui semble vivre ses derniers moments ?
Fabienne Moineaux, Bibliothèque Départemental de Prêt de Meurthe et Moselle