Depuis le XIX^e siècle, les archéologues ont exhumé en Égypte des dizaines de visages peints sur des momies, qui ont rejoint des musées prestigieux comme le Louvre. Beaucoup proviennent de la région du Fayoum. L'Européenne est l'un de ces portraits réalistes et émouvants d'hommes, de femmes ou d'enfants, dont le regard étrangement plein de vie parle d'une existence d'il y a deux mille ans.

C'est au sein d'une population métissée et prompte au syncrétisme religieux que se développent ces portraits, entre le début de notre ère et le milieu du III^e siècle, période au cours de laquelle le christianisme apporte d'autres pratiques funéraires. Avant, Grecs puis Romains ont conquis et colonisé l'Égypte, mêlant leur culture à celle des indigènes. L'effigie du défunt figurait déjà sur les sarcophages des temps pharaoniques, mais les Romains y ajoutent leur goût de l'imitation du réel. Leur technique de la peinture à la cire permet d'étonnants modelés et l'illusionnisme va jusqu'à la goutte de lumière sur la pupille qui nous regarde. Toute une société s'anime. Quelque inscription en grec ou un détail dévoile tantôt un nom et un métier, telle cette Hermione, maîtresse d'école, tantôt un sentiment, comme ce bonne chance. Hommes et femmes ont posé dans leurs plus beaux atours, sachant qu'un jour leur portrait retaillé remplacerait pour la postérité leur visage embaumé.

(Laurence Wavrin)