Et cela commence, effectivement, par une fellation, que l’un des protagonistes, Pierre, interrompt par manque de temps. En fait, explique son compagnon, cela a commencé par un exemplaire de démonstration feuilleté en librairie, où des photos d’hommes nus ont été savamment découpées. Quant au prétexte du film, c’est celui d’un producteur proposant aux deux réalisateurs de faire leur film entièrement à la maison.

Ce qui commence donc comme une exposition d’intimité à la mode, que le sous-titre du film Journal extime relativise d’emblée, se poursuit comme un work in process où le sujet du film se cherche tout en s’élaborant. Quel est le rapport entre le livre découpé, présentant les traces d’un acte étrange, les "boîtes à queues", bars parisiens où les vidéos pornographiques montrées suscitent chez le spectateur des gestes érotiques, et, cité par Pline, l’homme amoureux de la statue de Vénus qui vient un soir lui faire l’amour ? C’est le statut de la pornographie, qui, loin d’être une parenthèse, expose un de nos rapports archaïques à l’image en gommant la distance entre la chose et sa représentation, en substituant un geste à un regard. Brouillant les pistes entre fiction, documentaire et art vidéo, la démonstration est exemplaire. (Attention des scènes pourraient heurter la sensibilité de certains spectateurs).

(Christine Rheys)