Dans son studio de production d’Austin aux Etats-Unis, Richard Linklater, cinéaste indépendant, auteur du magnifique Boyhood (2014) alors en montage, reçoit James Benning, cinéaste expérimental aussi fascinant que modeste. Ces deux camarades, qui appartiennent à des générations différentes, explorent des voies parallèles du cinéma qui, sans se rejoindre, entretiennent chacune un dialogue singulier avec le temps.

Celui qui connaît la filmographie respective de ces deux cinéastes a priori fort différents - James Benning, 70 ans, et Richard Linklater, 53 ans - sera sans doute surpris de les voir jouer au baseball ensemble comme deux adolescents. Si leur amitié remonte à plusieurs années, leur jeunesse d’esprit ne semble pas étrangère à leur indépendance d’artiste. Rejeter les contraintes du cinéma commercial, c’est en quelque sorte refuser de devenir adulte. Pourtant, tous les deux disent avoir découvert le cinéma sur le tard. James Benning, "converti" à l’art par une rencontre avec John Cage, choisit la voie expérimentale. Il réalise des films sériels, basés sur la contemplation du paysage, empreints d’activisme. Richard Linklater s’engage dans la voie du cinéma amateur, caméra Super 8 au poing, pour se construire peu à peu une place d’auteur indépendant. Mais son matériau ressemble à celui de Benning : le passage inexorable du temps, à la fois furtif et majestueux.  

(Sylvain Maestraggi)