Jean-René Etangsalé a quitté La Réunion lorsqu'il avait dix-sept ans pour travailler comme ouvrier à Mâcon où, aujourd'hui retraité, il vit encore. Erika Etangsalé est partie s'installer il y a une douzaine d'années sur cette île, et se confronte à sa relation complexe avec ce territoire. Initiant un dialogue avec son père ; partant avec lui à La Réunion ; la cinéaste déploie dans un récit aux multiples matériaux un cheminement partagé sur leurs relations avec leurs origines.

À travers cet échange avec son père, Erika Etangsalé s'attaque à des secrets insondables, tramés d'irrésolu et traversés par la question des racines. En mêlant divers types d'images (en noir et blanc ou en couleurs tournées pour certaines en 16mm), la cinéaste dessine une quête intime étroitement nouée à l'histoire collective de l'île, des traces des marrons (anciens esclaves) à la politique menée par le gouvernement français notamment à travers le BUMIDOM (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer), jusqu'à la persistance contemporaine du colonialisme. Créée en 1963 et dissoute en 1981, cette société d’État – qui reposait sur un mélange entre interventionnisme d'état et paternalisme colonial – a organisé le déplacement de plus de soixante-dix mille ressortissants des DOM vers la métropole. Avec patience, en travaillant les silences et en donnant à voir des images de l'île à la sérénité magistrale, Lèv la tèt dann fenwar (qui signifie en créole « Quand la nuit se soulève »), offre le récit pudique et puissant d'un soulèvement par la réappropriation d'une culture et d'une histoire, familiales comme collectives.

(Caroline Châtelet)