Pagani ("Païens"), petite ville proche de Pompéi en Italie, ne porte pas ce nom par hasard. Depuis un temps immémorial, elle célèbre huit jours après Pâques la fête du Tosello. Il pleut en ce début de printemps mais une intense ferveur unit la communauté. Chaque année, par des chants, des danses et par l'intercession des femminielli (travestis burlesques), les paroissiens rendent un culte à Notre-Dame-des-Poules, madone locale de la fécondité.

A Pagani, hormis les téléphones portables et le train à grande vitesse qui ne fait que traverser, tout renvoie au passé : les niches de la Vierge incrustées dans les façades lézardées, le hangar vétuste où s’édifie une grotte secrète, le puits dont une grand-mère tire l’eau, les paniers qui valsent des balcons, les hommes en surtout noir qui portent en procession la Vierge en majesté. Dépassant ethnologie et pittoresque, le film s’attache aux gens, notamment à Biagino, le robuste quadragénaire qui a hérité la charge de diriger les trente jours rituels du Tosello. C’est lui qui, fastueusement vêtu en mariée et suivi d’autres hommes parés d’atours féminins, traverse le village à bord d’un carrosse. C’est aussi lui qui accouche d’un poupon noir doté d’un phallus monumental. Loin de combattre ces rites carnavalesques venus du fond des âges, le curé les regarde avec bienveillance, comme autant de manifestations de piété populaire.  

(Eva Ségal)