Dans le vacarme assourdissant d’un abattoir d’Ille-et-Vilaine - où les bouchons d'oreilles sont indispensables -, des ouvriers dépècent avec dextérité des centaines de bêtes qui chaque jour passent entre leurs mains. Sur les lieux mêmes de leur travail, ils se livrent sans fard à Raphaël Girardot et Vincent Gaullier. La cadence infernale et les gestes répétitifs usent autant le corps que l'esprit ; Saigneurs scrute les répercussions d'un travail particulièrement harassant.

Le film débute par quelques minutes d'échauffement d'un ouvrier sur son poste de travail, scène que l'on retrouve tout au long du film, signe que le travail nécessite qu'on soigne sa condition physique. Dans cet environnement très masculin, pour Steven, Simon, Yohan, Aboubacar, Isabelle et les autres, les pauses sont chronométrées. Les accidents du travail ne sont pas rares. Les gestes de chacun sont constamment surveillés, tant par soucis de sécurité que de productivité. Le délégué du personnel passe en revue les installations, s’efforçant de faire reconnaître la pénibilité de certains postes auprès de la hiérarchie. "Je vois des personnes qu’on met à la porte parce qu’elles ont les épaules bousillées. La dernière en date avait 35 ans et elle aura des douleurs jusqu’à la fin de ses jours." L'environnement sonore - crissements des lames contre les fusils à aiguiser, entrechoquement des crochets métalliques, chaînes et cisailles - n’en fait pas moins oublier la sensibilité des ouvriers vis-à-vis des carcasses animales qu'ils manipulent. "J’ai un ami, il a fait une semaine et demie et il est reparti. C’est pas donné à tout le monde. Il avait du mal à manger de la viande après."

(Romain Hecquet)