Robert Kramer retourne au Vietnam presque trente ans après People’s War, dans lequel prenait corps son engagement contre la politique américaine et la guerre, et six ans après Point de départ. En 1998, Kramer ne nous laisse voir que chantiers et buildings en devenir ; il livre un film faussement apaisé, discrètement combatif.

SayKomSa... Un an avant sa mort, Kramer était-il donc résigné à force d’y voir trop clair ? Ce film nous dit tout autre chose : "C’est comme ça", dans sa nouvelle orthographe, serait bien plutôt le pacte renouvelé d’un cinéaste soucieux de ne pas céder d’un pouce face à l’habillage médiatique du réel. Le constat auquel invite la formule est donc d’abord question de méthode. On note par exemple combien les voix (off et in) se font alors discrètes, au bénéfice d’une observation brute, sans détour, de ce Vietnam en pleine mutation. Après l’avoir vécu comme un terrain idéologique, le cinéaste a-t-il là le désir d’aborder ce pays avec un regard plus léger, à même de montrer paysages et habitants dans leur virginité ? Fausse route : SayKomSa signifie avant tout que les images, les hommes et les lieux sont lourds d’une histoire que le cinéma se doit de rappeler toujours, contre l’oubli et la résignation, justement.

(Mathieu Capel)