Dans l’appartement familial où son père et de nombreux proches s’apprêtent à veiller dans la tradition musulmane le corps de sa mère Samira, Salim peine à trouver sa place. Tandis qu’il observe avec incompréhension celles et ceux qui s’affairent à suivre les coutumes, son frère Imad lui reproche la distance qu’il a prise avec la famille, comme avec la religion. Entre eux deux, comme entre leur père et Imad, rancœurs et désaccords se mêlent au chagrin, perturbant momentanément le temps du recueillement.

La forte émotion qui étreint à la vision de La Veillée émane autant du jeu mesuré des comédiens que de la justesse de sa mise en scène, de l’extrême ténuité du contraste entre tristesse et colère que des lumières subtiles en contrejour et clair-obscur dans lesquelles baignent les personnages. C’est en alchimiste que Riad Bouchoucha, réalisateur autodidacte, aborde le cinéma dans son deuxième court métrage, après un premier film autoproduit (Héritages, 2013). S’inspirant de la perte de sa propre mère, Bouchoucha déploie son récit tout entier à travers le regard de Salim. À l’écoute des tiraillements du jeune homme, il n’a de cesse de capter les mystérieuses transformations éprouvées par celui-ci dans ce moment difficile. Plus attaché à scruter cette intériorité qu’à expliquer les tensions qui minent la famille, le réalisateur s’approche avec grâce de la texture même des souvenirs. Et si la tension qu’il enregistre avec soin reporte la possibilité de faire tenir dans le même cadre les deux frères aux côtés de leur père, ce n’est que pour mieux refermer les blessures de chacun en les réunissant dans l’or des larmes autour du corps de Samira, puis à l'aube dans la transmission apaisée des gestes des ablutions rituelles à Salim.

(Damien Truchot)