Alias, c’est la force de raconter l’exil, la colonisation et l’immigration sans filtre ni détour. Tatiana Botovelo filme avec justesse et humanité ceux qui n’ont souvent qu’une identité d’emprunt pour exister.

Lassana et Bambo partagent une chambre exiguë dans un foyer du centre de Marseille. Tous les deux ont quitté la Guinée : Lassana il y a huit ans, Bambo vient tout juste de poser le pied en France. Tous les deux affrontent le même mur : celui de devoir se reconstruire dans le pays qui a colonisé leurs récits. Et tous les deux incarnent une réalité brûlante : comment vivre "normalement" quand on est rejetés par ce même système ? « La première chose à faire, c'est d'essayer de t'ouvrir aux autres. Et d'être sûr de toi. », dit Lassana à Bambo au début du film. Derrière cette phrase simple, c’est tout un monde qui vacille : il ne s’agit pas seulement de s’adapter à une société qui n’est pas la sienne, mais de remettre en question son rapport au monde, à soi, à son identité. Le titre du film dit tout : Bambo est contraint de se cacher derrière de faux papiers, de porter un nom qui n’est pas le sien, d’endosser une histoire qu’il n’a pas vécue. Mais cette fausse identité révèle une réalité bien plus profonde : lorsqu’on quitte son pays, on devient, peut-être, étranger partout. Habitants des marges. « N'être ni vraiment ici, ni vraiment là-bas », souffle Bambo. Tatiana Botovelo signe le portrait pudique et sensible de deux visages parmi des milliers. Et laisse résonner une dédicace aussi simple que bouleversante : « À mon daron et son unique valise. » 

(Nicolás Longinotti)