Avant la chute du communisme, l’entreprise d’Etat Romania-Film détenait près de 400 salles. Il en reste aujourd’hui à peine 30. Le Dacia Panoramic, dans la ville de Piatra Neamt, est l’une de ces salles. Elle existe encore, malgré son délabrement et le manque de spectateur, du seul fait de la passion de son manager, Victor Purice. A travers son portrait, Alexandru Belc dresse aussi celui, nostalgique et désespéré, de l’état du cinéma en Roumanie.

Victor fait tout pour que le Dacia survive : aller dans les souterrains réparer le chauffage, passer à la télé pour raconter l’histoire de sa salle, installer un projecteur pour montrer des films en DVD. Il se souvient avec nostalgie des 907 tickets vendus pour Titanic, âge d’or où le cinéma n’était pas encore décrépi. Aujourd’hui, ses deux employées apportent thés chauds et couvertures aux rares spectateurs de la salle glacée, tandis que Victor se démène pour obtenir rendez-vous et aides. Il visite une salle en Allemagne dont le directeur lui offre gracieusement des sièges, mais qu’il ne peut transporter, ou rencontre à Bucarest une représentante de Romania-Film, qui n’a aucune solution à lui apporter. Loin de sa famille émigrée en Italie, Victor ne se bat encore que pour ses employées et pour l’amour du cinéma : quand il découvre avec émotion une copie 35mm d’un western qu’il identifie dès la première vignette, il ne peut s’empêcher de le projeter pour lui seul, dernier spectateur de sa salle fantôme.

(Martin Drouot)