Le comédien Denis Lavant lit de longs passages de l’œuvre semi-autobiographique de Luis Buñuel, Mon dernier soupir. A partir de ce texte, sans extraits de films et avec très peu d’archives, Laurence Garret voyage sur les traces du cinéaste, de Calanda à Saragosse, de Madrid à Tolède, d’Espagne au Mexique. Les entretiens avec Jean-Claude Carrière et Carlos Reygadas complètent cette exploration de la personnalité, plus que de l’œuvre, de Buñuel.

Entre enquête et poème surréaliste, le film multiplie les images morbides. Des images d’insectes empaillés ouvrent le film tandis que la voix de Lavant relate la mort du père de Luis Buñuel. Une cérémonie religieuse filmée s’achève en un ballet d’ombres dans la nuit. Même l’évocation des souvenirs érotiques de l’enfance se cristallise en une vision inquiétante : le strip-tease d’un corps sans tête. La mort s’invite donc ici à chaque plan, à chaque anecdote. Les provocations du réalisateur – vouloir montrer un film pornographique à des enfants, se déguiser en nonne – révèlent son goût du jeu, mais son surréalisme a surtout pour but de faire exploser la société. Marqué par l’assassinat de son ami Federico Garcia Lorca par les franquistes en 1936, Buñuel fuit l’Espagne et la censure à la recherche d’une nouvelle terre de cinéma. Mais comme l’indique le titre, il n’y a peut-être aucun lieu pour accueillir ce réalisateur insurgé si ce n’est celui de sa propre imagination.

(Martin Drouot)