Au sein de l’hôpital numéro six de Shanghai, s’entrecroisent les destins de cinq familles frappées par la tragédie. À compter de de leurs admissions jusqu’à leurs sorties, les patients et leurs familles doivent négocier avec leur peine mais aussi faire face à des coûts exorbitants que bon nombre d’entre eux n’arrivent pas à payer.

L’Hôpital numéro Six est une fourmilière. Tout est millimétré, calculé, et livré dans des quantités vertigineuses. Par des séquences au rythme effréné, soutenues par une musique entêtante, Ye Ye nous révèle le fonctionnement de la machine. Dans cette usine médicale : tout se paye. Face aux accidents, aux longues maladies, familles et patients sont en prises avec un dilemme impossible : se ruiner pour financer les soins ou bien accepter la mort. Si l’injustice et la souffrance sont au cœur de ce film, Ye Ye, brosse pour autant un portrait où subsiste de la lumière, puisque dans ce lieu kafkaïen, l’humanité n’est pas entièrement absente. En parallèle des séquences de travail à la chaîne, la réalisatrice dirige sa caméra vers les gestes singuliers de ses personnages. Filmer le travail des ouvriers de la fourmilière, c’est aussi prendre le temps d’observer la précision et la tendresse qui se dégage de chaque geste, ceux des soignants, des patients et de leurs proches. La caméra à l’épaule ouvre un jeu d’équilibriste lumineux : dire toute l’horreur de ce système machiniste et déshumanisant, tout en montrant la profonde humanité des gens qui en sont victimes. En suivant le parcours de cinq familles, la réalisatrice construit des personnages et révèle ainsi le sort de millier de familles qui subissent ce système de santé cédé au capitalisme.

(Léo Bourdet)