Entre 2001 et 2014, 1067 civils, notamment des interprètes, ont été recrutés par les forces armées françaises en Afghanistan. Officiellement appelés « personnels civils de recrutement local » (PCRL), ils faisaient office de médiateurs entre les militaires français et la population locale. Lorsque la France a décidé de retirer ses troupes du pays, ces civils, jusque-là considérés comme des atouts, ont été laissés pour compte, devenant des cibles prioritaires pour les talibans.

Aujourd’hui, sur plus de 1 000 personnes concernées, seules 317 ont réussi à être rapatriées en France, grâce notamment à la médiatisation de leurs cas qui leur a permis d’obtenir un visa. Kaboul-Laon, un aller simple raconte, à travers les témoignages de ces interprètes, les deux faces d’une même histoire. D’un côté, l’installation de ces familles à Laon, au cœur de la « diagonale du vide », et les nombreuses difficultés liées à l’exil et à l'immigration. De l’autre, les conséquences dévastatrices d’une guerre, toujours marquée par l’injustice. Olivier Bauer ouvre et clôt son film avec Le Dormeur du val, célèbre poème de Rimbaud. Un choix évidemment loin d’être anodin, tout comme la construction de son montage : une strophe au début du film (un soldat dort dans une vallée), une autre à la fin (ce soldat est mort). En creusant dans le récit de ces hommes et femmes utilisés puis abandonnés, Olivier Bauer dresse le portrait d’une réalité géopolitique complexe, avec pour centre de gravité l’humain, le grand oublié des conflits armés. 

(Nicolás Longinotti)