Pour ce qui sera son dernier film, André S. Labarthe, accompagné par Quentin Mével, suit Mathieu Amalric lors de la fabrication de Barbara (2017). L’acteur réalisateur, même en plein tournage, s’explique avec générosité sur son travail en train de se faire. Les extraits de ses autres films, notamment Mange ta soupe (1997), Le Stade de Wimbledon (2001) ou La Chose publique (2003), révèlent la cohérence inattendue de cette œuvre libre.

Mathieu Amalric a peur du vide. Il remplit ses cadres de figurants, ses décors d’accessoires. Sa méthode est de s’imbiber de la matière puis d’abandonner le scénario lors du tournage. Les idées se multiplient et se perdent parfois, mais le film est toujours une matière vivante, à l’image de celui, jamais fini, qu’il continue à tourner chaque année avec le musicien de jazz John Zorn. Sur le plateau, Amalric est à l’écoute des acteurs, car "ils en savent plus sur le personnage que le réalisateur", il doute beaucoup, puis se souvient qu’il fait le film pour Jeanne Balibar. Pour contrer le jeu de ressemblance/différence du biopic, il fait de Balibar une actrice qui joue Barbara. Dans le travail de l’acteur, comme dans la qualité de l’image qui passe d’archives au Super-16 et au numérique, Amalric ne cherche pas à cacher les coutures, mais au contraire les révèle : il rend ainsi le spectateur complice, comme signant un "contrat d’envoûtement commun", de la fiction en train de se faire.

(Martin Drouot)