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Résumé
Installé depuis sept ans dans le coin perdu d'une campagne alsacienne avec son compagnon - pour fuir Paris - Frank Beauvais se retrouve plongé dans l'isolement après la rupture amoureuse. Entre avril et octobre 2016, il visionne des centaines de films, dont les extraits de 400 vont composer cet essai. Film de montage donc, Ne croyez surtout pas que je hurle est le journal de cette période. Le récit autobiographique en voix off déroule à vive allure un quotidien marqué par la dépression, les aléas familiaux, les attentats et les mouvements politiques qui soulèvent alors la France et l’Europe.
Le film, inscrit dans une essence expérimentale par le found footage, la dépasse remarquablement en construisant une véritable dramaturgie dans la mise en concert des images. Les extraits sont singulièrement évidés de leur substance narrative initiale et circonscrits à des gestes, des moments de films qu’on ne reconnaît pas. Leur articulation travaille les ruptures et les continuités, dans les formes, motifs et couleurs, et par-delà, avec la voix off. Une voix tenant comme d’un seul souffle, qui ne s’arrête que très rarement, pour emporter avec elle le spectateur dans une tourmente poétique et concernée de notre époque. Un brûlot politique sur la désertification des services publics dans les zones rurales et la montée de l’extrême droite, appelant à un sursaut. L’intime rejoint ici le politique, précisément par le prisme des images, leur tourbillon. Un film de cinéphile débordant d’un amour démesuré pour le cinéma, son partage et ses possibilités d’agir avec le réel.
(Joffrey Speno)
Etoile de la Scam 2021.
Descriptif technique
- Production
- Les Films du Bélier, Les Films Hatari, Studio Orlando
- Participation
- CNC, Région Grand-Est, Strasbourg Eurométropole, Ciné +, Scam
- Réalisation
- Frank Beauvais
- Année
- 2018
- Durée
- 75'
- Double disque
- non
- Couleur / N&B
- couleur
- Genre
- Documentaire
- Diffusion
-
- Prêt aux particuliers par l'intermédiaire des médiathèques : oui
- Projection publique : oui
- Diffusion en ligne : oui
Avis
Sélectionné par
Ne croyez surtout pas que je hurle est le journal de convalescence d’un visionneur fétichiste qui pense comme il cite en se faisant un nouveau corps, celui de ses citations. Dans les nuits blanches du streaming une machine de guerre prélève dans le cinéma de fiction les connecteurs nécessaires à ses opérations de montage. Cités, les gestes filmés deviennent ainsi les gestes filmiques d’une résistance mentale pour qui risque de succomber à la paranoïa obsidionale.
D’un côté, Frank Beauvais considère le cinéma dans une égalité des citations indifférente à la légalité des droits d’accès. De l’autre, le mash-up post-situ déploie un cocon protecteur dont la membrane lisse toute aspérité en faisant luire la souveraineté dandy de son solitaire peuplé. « I See a Darkness » chante Bonnie Prince Billy pour un nouvel Argus dont l’autre nom est Panoptès, « celui qui voit tout », avant que la taupe panoptique ne se fasse chien andalou.
Saad Chakali (Médiathèque Edouard Glissant, Le Blanc-Mesnil)