Mohamed Ouzine revient sur la terre de son père, aux confins de l’Ouest algérien. Une terre de rocs et de sable, livrée au vent, à la sécheresse, et aux djinns malfaisants qui y planent. C’est dans ce décor de western où magie et désenchantement se côtoient, que Samir, neveu du réalisateur, vit de contrebande de carburant vers le Maroc. Son rêve ? Fuir cette prison à ciel ouvert, imprégnée de désespoir, là où même les mules deviennent folles.

Entre rejet de l’un, et fascination de l’autre pour ce coin perdu filmé entre pénombre et lumière, un dialogue singulier s’instaure, un double portrait s’ébauche. Dans l’obscurité de sa chambre, d’une maison non terminée, Samir déroule le fil de ses angoisses, sa colère contre cette terre qu’il déteste, et de la folie qui les gagne, lui et sa mule. En contrepoint aux propos de son neveu, la caméra de Mohamed Ouzine fouille le paysage pour en capter toute la beauté cachée, à l’image de cet arbre dénudé qui revient, tel un leitmotiv. Symbole de vie, témoin du passé, ou désir du cinéaste de pénétrer, jusqu’au moindre bruissement de la nature, ce territoire intime et méconnu ? Dans l’entre-deux, de petits plaisirs surgissent : de rares moments avec sa mère, une escapade en mer ou encore une virée en moto avec son amoureuse. L'amorce d’une fiction, sur le mode d’un conte poétique et esthétique qui joue de tous les artifices qu’offrent le cinéma...

(Sadia Saïghi)