Un briquet chauffe une bille de crack, posée dans une feuille d’aluminium : muni d’une paille, un usager aspire la fumée qui s’en échappe. Dans le jargon des consommateurs, c’est ce qu’on appelle “chasser le dragon”. A Lièges, une “salle de consommation à moindre risque” propose aux usagers un espace où la toxicomanie n’est pas vue comme un vice, mais comme une maladie. 

Alexandra Kandy Longuet réalise un documentaire d’une sobriété frappante, qui donne à entendre l’extrême dureté de la vie des toxicomanes, sans misérabilisme ni jugement de valeur. Elle fait la part belle à leurs témoignages, lors de discussions engagées avec les travailleuses et les travailleurs de la salle, qui n’essaient jamais d’enjoindre les usagers à cesser leur consommation, pour mieux les aider à vivre avec leur maladie. Ici, un homme détaille son planning de mendicité, organisé en fonction des interdictions préfectorales : il racontera plus tard les abus endurés dans son enfance, qui l’emprisonnent dans son addiction maintenant qu’il est dans l’âge adulte. Le local offre à ces hommes ce dont on les prive dans la rue : une sécurité, un accès à l'hygiène, aux soins, et surtout, à de la chaleur humaine. Si pour beaucoup d’entre eux l’addiction ne s’en ira jamais, la salle peut être une étape vers la guérison, comme en témoigne François : à la rue au début du film et en overdose clinique quelques mois plus tard, il passe une dernière fois au local remercier celles et ceux qui l’ont aidé à s’en sortir.

(Noé Vidal-Giraud)