Carlo Lizzani profite de son amitié avec les frères Taviani (nés en 1929 et 1931 à San Miniato) pour les filmer longuement, côte à côte, en entretien. Les cinéastes parlent en particulier de leur enfance toscane marquée par la littérature, de leur soif de culture et de leurs débuts cinématographiques. Nul extrait ne vient interrompre une parole qui passe de Paolo à Vittorio dans une symbiose parfaite, à l’image de leur relation dans le travail.

Les personnages des films des Taviani puisent leur source autant dans les héros des récits d’aventures de Salgari que dans les pièces de Pirandello, où le monde n’est pas tel qu’il paraît. La guerre et le néoréalisme finissent de faire éclater leur univers protégé : c’est après avoir vu Païsa de Rossellini (1946) qu’ils décident de faire du cinéma. A Rome, Valentino Orsini les initie au marxisme : à trois, ils coréalisent des documentaires engagés, ainsi qu’une première fiction, Un Homme à brûler (1962). A travers Salvatore Carnevale, syndicaliste sicilien assassiné, comme à travers l’allégorie des hommes qui fuient l’île dévastée par l’irruption volcanique de Sous le signe du scorpion (1969), le réel est réinterprété pour témoigner de la fin d’une utopie humaniste. Les Taviani connaissent enfin le succès avec Padre Padrone (1977), Palme d’or à Cannes décernée par Rossellini lui-même. De film en film, ils ne se départissent jamais d’une conscience sociale fortement critique.

(Martin Drouot)