Nadine, une jeune Parisienne, descend à Marseille effectuer des repérages pour Marie-Ange, une réalisatrice recluse dans une salle de montage où elle visionne et compare deux films : Angèle de Pagnol et Toni de Renoir. Cette fiction qu'utilise Alain Bergala sert non seulement à vivifier l’analyse comparative des deux films, mais, plus profondément, elle montre que l’on reçoit un film en fonction de ce que l’on a vécu ou de ce que l’on vit.

En 1934, peu après que Pagnol a réalisé Angèle, Renoir attaque en Provence le tournage de Toni avec la troupe du plus célèbre des cinéastes méridionaux. Si l’unité de lieu unit les deux récits, les dissemblances ne manquent pas. Alors que Pagnol, guidé par un tempérament nostalgique, filme une société où le père, et plus généralement l’homme, figure dominante, incarne la loi, Renoir filme la fin du patriarcat. Renoir s’intéresse en effet au monde qui change. Ainsi, Toni se déroule dans des lieux mi-bucoliques, mi-industrialisés. Julien, troisième personnage du film de Bergala, guide Nadine sur les lieux qui ont marqué l’imaginaire des deux cinéastes : Marseille, Aubagne, Martigues, La Treille. A ce repérage-pèlerinage d’un film dont on ne saura rien - celui de Marie-Ange - viennent s’ajouter les discussions des deux femmes. Marie-Ange, la bien nommée, semble avoir quelque chose à transmettre - angelos, en grec, signifiant précisément le messager.

(Teddy Lussi)