À travers la correspondance entretenue tout au long de sa vie (excepté les quatre ans de bagne) se révèle un Dostoïevski inattendu. Les lettres adressées à son frère aîné Mikhaïl évoquent ses premiers deuils, ses débuts fulgurants en littérature, sa misère, son épilepsie, son premier mariage malheureux, sa passion du jeu... Lues à l'écran par le comédien Denis Lavant, elles s’insèrent dans un récit original porté par la voix de Pierre Dumayet.

Né en 1821, mort en 1881, Fiodor Dostoïevski est l’exact contemporain de Flaubert, fait observer Dumayet. Mais pour aussitôt souligner les différences. Témoin dès l’enfance d’un crime abominable (le viol et le meurtre d’une fillette), accablé de soucis de famille, harcelé de dettes, emprisonné les fers aux pieds pour des opinions socialistes auxquelles il renoncera très vite, exploité par son éditeur, Dostoïevski se définit lui-même comme un "prolétaire de la littérature". Elle seule le sauve de toutes les humiliations. Nourri de lettres, de nombreux documents d’archives et de quelques citations de films de Tarkovski, ce récit biographique nous replonge dans les affres de cette âme tourmentée, illuminée par la foi dans le Christ et le peuple russe. Pierre Dumayet et Robert Bober s’attachent aussi à restituer le contexte tumultueux dans lequel ont été composées quelques-uns de ses chefs-d’œuvre : Les Pauvres Gens, Crime et Châtiment, Le Joueur, L’Idiot.

(Eva Ségal)