À Ceilândia, ville satellite de Brasília, Joana Pimenta et Adirley Queirós ont filmé pendant deux ans et ont co-élaboré une fiction d’empowerment avec des habitantes du quartier populaire de Sol Nascente en proie à la spéculation immobilière et à la gentrification. Empruntant au film de genre autant qu’au documentaire, Dry Ground Burning rend gloire à celles qui affrontent une société brésilienne inégalitaire et répressive, qui n’a de cesse d’invisibiliser ses marges.

Esthétique nocturne jouant à l’envi du motif de l’émeute, de la flamme et du jerrican, plans répétés sur des femmes en débardeur pompant le pétrole, des escadrons de motards et des armes à feu, Dry Ground Burning donne au cerrado brésilien sa fresque de résistance, incandescente et transgressive. L’irruption de la fiction ouvre le champ des possibles : la découverte d’un forage permet à Chitara de triompher dans la contrebande d’essence et devenir la reine d'un gang de « gazolineiras » , à Andreia de prendre part à une campagne électorale, à la tête d'un parti de défense des droits des détenus et à Lea, ex-taularde rompue au maniement du pistolet automatique, de projeter d’ouvrir un bordel. Mais si Pimenta et Queirós revendiquent le droit de fabuler l'histoire officielle de Sol Nascente, pour et avec ses habitants, leur film documente aussi leurs mémoires. Dans les interstices d'une fiction non linéaire, Joana, Lea et Andreia révèlent des vies marquées par la répétition de la violence, la maternité précoce et l’incarcération. Et un Brésil d’avant Bolsonaro déjà marqué par l’autoritarisme.

(Céline Leclère) .