Julien Donada fête les cent ans des studios de cinéma La Victorine à Nice, à la première personne et en cinéphile, sans souci de chronologie. Il introduit les images d'un précédent tournage, signe de son obsession pour le site, convoque quelques témoins, qui reviennent avec émotion sur ces lieux hantés par les tournages de films mythiques (Les Enfants du Paradis, Marcel Carné, 1945 ; La Nuit américaine, François Truffaut, 1973...). Au fil des rencontres, il reconstruit ainsi une mémoire collective à partir de l'imbrication ludique d'histoires personnelles.

À l’image de la belle histoire du décor du film de Truffaut, qui recycla les éléments déjà existants sur les lieux, les matériaux de Divine Victorine sont agencés comme un vaste jeu de construction. La séquence d'un documentaire de l'historien René Prédal, où des personnes âgées racontent leurs souvenirs de La Victorine en tant que figurants, s'entremêle à une pléthore d'archives (photographies et extraits de films). Une approche intime et poétique réunit le tout dans un geste sensible et en un lieu fantasmé, où arpenter les allées et les hangars de ce site emblématique de la production cinématographique suffit presque à engendrer le récit du plus grand nombre possible d’histoires. Souvent présent à l'image aux côtés de ses intervenants, Julien Donada fait lire les mémoires de Carné à sa mère et à sa tante, se promène avec Jean-François Stévenin jusqu’à la célèbre grue rouge (présente non seulement dans La Nuit américaine mais aussi dans Le Testament d'Orphée de Cocteau, 1960) ou écoute le roman familial et passionné du petit-fils de Serge Sandberg dont la fortune permit le développement de cet ambitieux Hollywood à la française.

(Damien Truchot)