Dans le petit village de Keskincik, dans le Hatay, au sud de la Turquie, habite la famille Cupur. Un père chauffeur routier, une mère au foyer, tous deux sexagénaires, puis, sur les sept frères et sœurs qui ont grandi là, dans cette maison soumise au père, quelques jeunes qui rêvent d’ailleurs. Voilà vingt ans qu’Ahmet, le fils aîné, est parti travailler à la ville pour ensuite devenir cinéaste. Il revient filmer sa famille et les aspirations d’une jeunesse turque face au poids des traditions. 

À Keskincik, on ne croule pas sous les perspectives : les jeunes hommes s’en vont travailler en ville, ou à l’étranger, et les jeunes femmes restent chez leurs parents, sont ouvrières dans l’usine de textile, ou bien trouvent un époux. C’est tout ce que Zeynep, la soeur cadette, a prévu d’éviter. Elle veut faire des études et partir à Antioche avec son frère Cemal. Pour ses parents, c’est impensable : laisser partir leur fille, c’est s’attirer l'opprobre du village. Mais pour Zeynep, se marier, c’est risquer de finir comme sa belle-sœur Nezahat, à peine plus âgée qu’elle et déjà coincée chez ses beaux-parents depuis son mariage malheureux avec Mahmut : lui voudrait divorcer, mais elle n’a commis aucune faute. “Il vaudrait mieux qu’elle meure.”, tranche la mère… qui interdit d’ailleurs à une de ses filles de revenir au village, puisqu’elle a divorcé. En filmant attentivement l’intérieur de la maison, sans jamais verser dans le voyeurisme, Ahmet Necdet Cupur enchaîne de touchantes séquences, où la solidarité entre jeunes permet de supporter le conflit des générations.

(Noé Vidal-Giraud)