Sous forme d'enquête sociologique, le film d'Emmanuel Laborie observe, étage par étage, les réactions des habitants d'un immeuble atypique, conçu par Francis Soler en 1997 pour la Régie immobilière de la Ville de Paris. Comment l'architecture peut-elle échapper aux contraintes normatives de la construction sociale ? Quelles sont les pratiques sociales que peuvent susciter de nouveaux dispositifs spatiaux ?

L'immeuble de la rue Durkheim s'élève alors dans un quartier en friche, aux abords de la BNF : un quadrilatère abritant 96 lots, autour d'un jardin. La façade est composée de vitrages coulissants sérigraphiés, représentant des fragments géants d'une fresque du peintre maniériste Giulio Romano. Les motifs, clairement identifiés par les plus petits - "C'est un ange, comme un papillon, sauf qu'il a des fesses !" -, filtrent la lumière et la vue, à l'intérieur des appartements. Pour ce produit PLI, destiné à une population intermédiaire de cadres moyens, la Régie a eu toutefois recours aux petites annonces ; les sérigraphies rebutaient les candidatures spontanées. "Ce qui nous rapproche, c'est le choix de vivre dans un immeuble à l'aspect particulier, dans un quartier en chantier." La communauté d'esprit qui anime le lieu permet de modifier l'usage des espaces communs : les fêtes s'organisent sur les larges paliers, comme "pour réinventer la chaise sortie devant la maison du village".

(Annick Spay)